La genèse de cet article découle de mon intérêt tout particulier pour deux thématiques : la condition féminine et la région du sud-ouest asiatique (ou SOA, expression que je préfère à « Moyen-Orient » cette dernière partant d’un point de vue colonialiste). Dans un climat de prise de parole médiatique et de conscience progressive des pressions et violences exercées sur les femmes, il est aisé de supposer que le respect et l’égalité des sexes sont pratiquement acquis, en tout cas dans les pays européens, et que les revendications actuelles ne sont que le caprice de quelques femmes écervelées.
Afin d’offrir un panorama actuel de la situation, j’ai voulu donner la parole aux femmes qui vivent aujourd’hui en Europe et dans le SOA : entendre leur perception de l’influence de leur condition de femme sur leurs expériences de vie, selon les sociétés et domaines dans lesquels elles évoluent. À travers leurs témoignages identifiant notamment les obstacles auxquels elles se heurtent, il s’agit de mobiliser l’intelligence collective, de rassembler des pistes pour améliorer et, en définitive, changer les choses. Car il y a encore beaucoup de chemin à parcourir. Et vous aussi, homme ou femme, faites partie de ce changement !
Quelques définitions
Le sexisme : selon le Robert, c’est « une attitude de discrimination fondée sur le sexe (spécialement, discrimination à l’égard du sexe féminin) ».
Le harcèlement sexiste : selon le Haut Conseil à l’égalité entre les hommes et les femmes, c’est le fait d’imposer tout propos ou comportement, à raison du sexe, de l’orientation ou de l’identité sexuelle supposée ou réelle d’une personne, qui a pour objet ou pour effet de créer une situation intimidante, humiliante, dégradante ou offensante portant ainsi atteinte à la dignité de la personne.
Il se manifeste dans plusieurs domaines :
1. Dans l’espace public, sous forme d’agressions verbales, physiques et/ou sexuelles (insultes, injures, menaces, exhibitionnisme…) empêchant les femmes d’évoluer au sein de cet environnement en toute sécurité.
2. Dans la sphère professionnelle, par des propos et comportements à connotation sexuelle, répétés ou non, qui portent atteinte aux droits et à la dignité de la personne, et qui peuvent altérer la santé mentale et physique et/ou compromettre l’avenir professionnel.
3. Dans la sphère privée, soumettant les femmes à des violences telles que l’exploitation sexuelle, la violence domestique, le viol, la stérilisation forcée, le mariage forcé, les mutilations (excision), le féminicide, le crime d’honneur, la lapidation, la violence sexuelle en temps de guerre, … L’article ne traitera pas de ces violences.
Restent à mentionner les violences intersectionnelles : celles qui portent sur plusieurs critères à la fois tels que le genre, la couleur de peau ou l’orientation sexuelle. Elles viennent fragiliser des minorités et amplifier leur discrimination.
Sources, dans l'ordre : OMS (2021), HCE (2019), Arab Barometer (2018-19), franceinfo (2018), ONU Femmes (2013).
Méthodologie de l’enquête
Un total de 22 femmes entre 26 et 88 ans vivant en Europe ou dans le SOA ont été interrogées sur la base d’un questionnaire commun entre mars et mai 2021. Trois méthodes de récolte de données – en présentiel, par téléphone et en ligne – ont été combinées. Les réponses ont ensuite été triées et exposées ci-dessous pour que les résultats soient représentatifs des femmes des deux régions, l’échantillon SOA étant moins important (28 % du total). Afin de préserver leur anonymat et en accord avec elles, elles seront citées en utilisant une initiale, leur âge, puis leur lieu actuel de résidence.
Avant de commencer, il semble important de préciser que les témoignages qui vont suivre viennent d’un échantillon de femmes qui n’est pas représentatif du ressenti ou du vécu de toutes les femmes. Elles sont instruites, ont accès aux réseaux sociaux et sont sensibilisées à la thématique de la condition féminine. De plus, la situation n’est pas homogène dans les deux régions ni au sein même des pays. Il est cependant important d’écouter chaque point de vue, qui est valable et pertinent.
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1. Pensez-vous que votre société soit sexiste ?
Bien que les sociétés du SOA ne puissent pas être comparées de manière uniforme et que le degré de sexisme en leur sein peut varier, la réponse est unanime : 100 % des femmes du SOA ont répondu dans l’affirmative. Comment se rendent-elles compte qu’une société les discrimine ? Elles constatent une absence d’autonomie et un certain contrôle exercé par les hommes sur leur façon de vivre.
« Très. Les femmes du Moyen-Orient – sur la base de mon expérience personnelle – ont tendance à avoir beaucoup de mal à prendre leurs propres décisions/faire leurs propres choix, à exprimer leurs opinions sincères, à s’habiller comme elles le souhaitent, en gros tout ce qui n’implique pas « d’approbation » (ndlr. de la part d’un homme). » – B., 24 ans, Oman.
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« Je pense qu’à l’échelle mondiale, il reste encore tant à faire, et le Moyen-Orient va dans la bonne direction. Mais à l’heure actuelle, il est définitivement sexiste, plus que l’Europe. Même avec les plus petites choses, comme être sous-estimée lorsque l’on conduit parce que nous sommes des « femmes », ou de légers gestes de flirt au bureau parce que nous choisissons de nous habiller à la mode (et toujours voilées). » – T., 26 ans, Qatar.
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« Je n’ai jamais connu autant de sexisme de ma vie. C’est une lutte constante ici. Bien sûr, il y a aussi du sexisme en Europe, mais il est beaucoup plus indirect et caché. » – K., 30 ans, (d’origine européenne), Égypte.
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En Europe, 75 % des femmes considèrent leur société sexiste. Il y a un changement générationnel : là où les discriminations étaient prises pour normales, immuables, auxquelles les femmes doivent se plier, elles sont peu à peu perçues comme des traits culturels à combattre.
« Non pas du tout, pas au travail. Mais elles sont payées moins que les hommes. Ça a toujours été comme ça. Depuis que je suis née, les hommes ont toujours eu plus de chance que les femmes. C’est dû à nos antécédents, la femme a toujours été la servante de l’homme, elle a fait marcher la maison. » – M., 88 ans, Suisse.
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« Pour moi le sexisme est, un peu comme le racisme, institutionnalisé/culturel. Les différences de salaire, le peu de femmes à des postes de responsabilité, le manque d’enthousiasme autour de l’écriture inclusive ou de la féminisation de certains noms de métier, etc. montrent que notre culture est encore aujourd’hui sexiste. » – F., 32 ans, GB
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2. Vous êtes-vous déjà fait harceler dans l’espace public parce que vous êtes une femme ?
Malheureusement, 91 % des participantes a répondu oui, toutes régions confondues. Ce harcèlement se traduit par « des apostrophes, sifflements et poursuites, des gens qui essaient de vous attraper par derrière, décrivent ouvertement votre corps dans plusieurs langues ». Il est perpétré par « de jeunes adolescents et par des hommes plus âgés. Les soldats, la police, etc. sont ouvertement impliqués et s’ils en sont témoin dans la rue, ils l’encouragent et applaudissent. Cela arrive tous les jours en Égypte et c’est normal malheureusement » (K., 30 ans, Égypte).
Ces violences bien présentes tout au long de l’âge adulte commencent même avant l’adolescence :
« La première fois j’avais 12 ans, il m’a suivie. Je le connaissais, on avait le même âge. Il a marché derrière moi depuis l’école jusque chez moi. Et il a continué. Il a arrêté au bout de… 2 ans ! Mon père m’a demandé de ne rien dire. Je n’ai pas réagi, je l’ai ignoré. Au début j’avais peur, puis après je me suis habituée. » – R., 26 ans, Palestine.
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« Oui ! Mais je pense que quand j’étais ado, je vivais ce type de harcèlement plutôt comme une source de validation externe (ex. : un compliment) et j’ai mis du temps à me dire que ce n’était pas normal. » – F., 32 ans, GB.
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Elles sont notamment subies par les femmes européennes lorsqu’elles voyagent seules, car elles sont perçues par les autochtones comme des personnes aux mœurs plus légères :
« Hier, quand je suis allée faire des courses, un gars m’a traitée de « russe », ce qui ici veut dire qu’ils pensent que tu es une prostituée. » – K., 30 ans, Égypte.
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« J’ai davantage vécu de harcèlement en vacances dans les pays nord-africains : on t’appelle, on veut te toucher. » – C. 42 ans, France.
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Évoluant dans une société patriarcale et face à la différence de force physique jouant en leur défaveur, la stratégie principale adoptée par les femmes pour faire face à cette situation est de feindre l’indifférence :
« Lorsqu’on m’a harcelée verbalement, j’ai ignoré. Et les fois suivantes également, car il est difficile de confronter le harceleur dans une société conservatrice » – A. 26 ans, Turquie.
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« Cela m’est arrivé tellement de fois que je suis habituée à ignorer les remarques, à ne pas répondre et à passer à autre chose sans établir de contact visuel. C’est presque une seconde nature de ne pas faire cas des remarques des hommes. » – T., 26 ans, Qatar.
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3. Où se manifeste principalement le harcèlement ?
Le harcèlement, une des violences sexistes, n’intervient pas seulement dans la rue, au grand jour.
Dans le SOA, il ressort que le cercle familial enseigne et perpétue une structure hiérarchique patriarcale où « les hommes auront quasiment toujours le dernier mot, le pouvoir et le contrôle sur les femmes de leurs familles, les rendant semblables à une minorité » (B., 24 ans, Oman). Le sexe des nouveau-nés est très important et conditionne l’avenir personnel et professionnel de l’enfant. Les familles sont heureuses « lorsqu’elles ont un fils nouveau-né car il sera l’homme de la maison, assumera la responsabilité de la famille et pourvoira financièrement à celle-ci. Une fille leur sera « inutile » car elle « appartiendra » à la famille de son mari » (R., 26 ans, Palestine).
Cette différence entraine une ségrégation du marché du travail, où « de nombreuses professions sont propres au sexe de la personne (ex. : des enseignantes pour des étudiantes) » (R., 26 ans, Palestine). Lorsque les femmes entrent dans des milieux à dominance masculine, elles doivent se battre pour asseoir leur légitimité :
« Le droit est [un métier] principalement exercé par les hommes, je suis en quelque sorte une « intruse » dans cet environnement. Vous ne pouvez pas vous présenter devant certains tribunaux parce que vous êtes une femme, ou parce qu’il n’est pas adapté aux femmes. Une attitude sexiste peut parfois conduire à des résultats positifs, si la personne à qui vous avez à faire aime les femmes, vous pouvez gagner du temps durant une procédure. » – D., 30 ans, Palestine.
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La discrimination sur le lieu de travail est également relevée par les femmes européennes qui la considèrent « particulièrement problématique parce qu’au sexisme s’ajoutent les abus ou inégalités de pouvoir » (C., 32 ans, Suisse). Ce milieu favorise les les hommes, qui « travaillent pour nourrir la famille » (M., 88 ans, Suisse) et que l’on considère « plus fiables : pas de grossesse ni arrêt pour enfant malade » (A., 40 ans, France).
« A la Poste à l’époque, une fois que tu te mariais, tu devais démissionner. C’étaient des hommes qui dirigeaient la Poste, ils n’avaient sûrement pas envie d’avoir une femme enceinte au travail. » – M., 88 ans, Suisse.
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« Peu importe le milieu selon moi. L’ouverture au bloc opératoire est favorisée aux jeunes hommes. On entend souvent des réflexions du genre « ne tombez pas enceinte pendant ce semestre… », voire pendant tout l’internat si vous voulez réussir… » – A., 40 ans, France.
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En Europe se trouve ensuite le sexisme dans le monde sportif, notamment dans « les sports de contact, dits violents, dans lesquels beaucoup de gens utilisent négativement des termes féminins et/ou homophobes pour indiquer ce qu’ils ne sont pas (« on n’est pas des tapettes ») et viriliser leurs actions… Comme si contacts violents rimaient avec masculinité… » (A., 34 ans, France).
Enfin, les institutions religieuses, à hiérarchie quasiment exclusivement masculine, sont relevées :
« Je pense à l’environnement religieux, parce que beaucoup de croyances sont fondées sur des interprétations qui sont, à mes yeux, erronées/déformées du message divin, et que les religions sont le plus souvent régies par des règles fixées par des hommes, et donc établies au travers de leur filtre. Probablement une suite logique de la loi du plus fort, toujours. » – S., 44 ans, France.
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4. Palmarès des remarques sexistes
J’ai demandé aux participantes de se rappeler de la réflexion la plus sexiste qu’elles aient reçue. Elles tournent principalement autour des stéréotypes de genre, où la femme est jugée et réduite à sa beauté, et considérée comme fragile.
« Ne pleure pas, tu n’es pas belle quand tu pleures. » – C., 32 ans, Suisse.
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« Waw ! Vous comptez vite pour une femme. » D’un vendeur qui s’étonnait que je sache compter aussi vite de tête car, je le cite, « les femmes sont moins bonnes en mathématiques. » – A., 34 ans, France.
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« Un de mes collègues m’a demandé : « Comment est-ce possible qu’une femme mariée soit partie plusieurs années dans un autre pays sans son mari ? » – R., 31 ans, France.
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Les femmes témoignent que l’on considère que leur réussite professionnelle est proportionnelle à leur apparence ou à leur côté masculin, pas au fruit de leur travail ni au niveau de leurs compétences :
« Juste avant un entretien professionnel, mon ex m’a dit (en des mots bien vulgaires) : « Tu crois que de te mettre en jupe et en talons va faire que tu vas avoir le poste ?! » C’était il y a 5 ans. » – A., 40 ans, France.
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« Lorsque les femmes réussissent dans le domaine professionnel, on les qualifie de « ukht rejal », ce qui signifie « sœur des hommes », dans le sens où elle est plus virile. » – D., 30 ans, Palestine.
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« D’un professeur européen d’environ 55 ans en Égypte : « Merci d’avoir préparé le café » alors que j’avais organisé toute la conférence scientifique et que le sujet de mon projet de thèse y est étroitement lié. Un stagiaire masculin a été quant à lui apprécié pour ses « contributions » alors qu’il posait une question qui, sincèrement, était plutôt bête. » –K., 30 ans, Égypte.
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La femme est également cantonnée à sa fonction de reproduction et à la gestion intégrale et exclusive de l’espace domestique, aux tâches dévalorisées :
« Dans les formulaires administratifs, quand on te demande ta profession et que tu es femme au foyer, tu dois choisir « sans profession » même si tu as des diplômes, car tu ne perçois pas de rémunération. » – M., 61 ans, France.
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« Lorsque le vendredi, mon mari et moi allons chez ma famille pour le weekend, ma mère me dit : « Prépare de la nourriture pour ton mari, il est fatigué, il vient de terminer la semaine ». Mais moi, j’ai travaillé autant que lui ! Comme si mon travail n’était pas aussi fatigant que le sien. » – R., 26 ans, Palestine.
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« Quand j’ai voulu postuler pour un master, j’ai dû demander la permission de mon frère aîné, mon père étant décédé (ndlr. c’est donc le 2ème homme le plus proche qui décide). Il a répondu : « Pourquoi as-tu besoin d’un master ? Tu envisages de travailler ? » Une question sarcastique insinuant que je n’ai pas le droit de travailler. » – B., 24 ans, Oman.
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« Pourquoi travailler alors que tu peux vivre comme une reine ? » de la part d’un membre de ma famille qui me voyait prendre mon travail trop à cœur, me suggérant que je pouvais me libérer de toutes les préoccupations professionnelles en me faisant entretenir par mon mari. » – T., 26 ans, Qatar.
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« Des réflexions toujours tournées à la dérision : « Tu vas faire ta bobonne » pour dire que tu vas faire à manger. » – V., 44 ans, France.
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Enfin, et d’autant plus grave, les femmes issues des minorités subissent une double discrimination avec des réflexions assénées sous forme de boutades :
« L’humour » de collègues qui font des blagues sur moi avec une couche de racisme : « M., elle ne va pas chez le coiffeur mais chez le toiletteur. » – M., 30 ans, Suisse.
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5. Avez-vous constaté une amélioration dans le traitement ou la perception des femmes de la part des hommes durant ces dernières années ?
Les réponses sont en demi-teinte, dans les deux régions étudiées. Les réponses les plus pessimistes établissent un constat d’immobilité et de polarisation de la société :
« Je ne suis malheureusement pas optimiste. J’aurais pu avoir un futur tellement différent. J’ai manqué tellement de possibilités de carrière à cause de personnes qui ont pouvoir de décision sur ma vie et qui sont persuadées que c’est leur droit. » – B., 24 ans, Oman.
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« La société se dirige vers les extrêmes : trop libérale ou trop conservatrice. La prise de parole est encouragée par les réseaux sociaux – mais ils ne sont pas accessibles à toutes (à cause de la pauvreté). » – D., 30 ans, Palestine.
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« Oui. Et non. Je me heurte toujours à un sexisme primaire de la part de la société en général et d’un plafond de verre professionnel. Force est de voir que rares sont les mecs à se rendre compte de leurs privilèges et à bien vouloir les partager avec les femmes (et les minorités autour d’eux, s’ils sont blancs, hétéros et cisgenres). » – A., 34 ans, France.
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Il y a cependant des raisons de garder espoir, notamment grâce aux réseaux sociaux : « avec #MeToo (ndlr. un mouvement devenu viral sur les réseaux sociaux en octobre 2017, libérant la parole des victimes d’agressions et de harcèlement sexuels), les scandales de viols et pédophilie qui mettent en lumière cette soumission que subissent les femmes » (A., 40 ans, France). De nombreuses campagnes permettent de dénoncer « le harcèlement et la violence sexuelle, surtout en Égypte où la plupart des gens sont très actifs sur Facebook » (K., 30 ans, Égypte).
Concernant l’évolution des mentalités, des clichés sexistes sont intégrés par les femmes, dont certaines « sont convaincues que leur place n’est pas dans un environnement professionnel mais à la cuisine » – (N., 48 ans, Suisse). Cependant, les femmes commencent être perçues comme un partenaire égal dans le cadre du mariage qui est « davantage perçu, surtout du point de vue des hommes, comme une compagnie plutôt qu’un moyen de préserver le nom de famille » (T., 26 ans, Qatar). La jeune génération, quant à elle, grandit avec une meilleure représentation des rôles :
« Les enfants semblent plus ouverts, même s’ils restent « formatés » sur un certain nombre de points. Les neveux et nièces de mon partenaire, par exemple, ne trouvent pas étrange de voir des femmes jouer au foot, mais continuent d’avoir une image très traditionnelle du mariage où l’homme doit faire sa demande à la femme et lui offrir une bague. » – C., 32 ans, Suisse.
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6. Quelles mesures mettre en place afin de promouvoir l’égalité ?
D’excellentes suggestions venant de toutes les participantes, avec des propositions de loi concernant le congé parental, la sanction des violences ainsi qu’une meilleure égalité financière. Beaucoup d’efforts restent à faire dans le domaine de l’éducation, qui est le fondement de toutes les cultures. Voici un résumé tiré des témoignages reçus.
Réflexion
Bien que la perception du sexisme semble moins proéminente en Europe que dans le SOA, la quasi-totalité des participantes indiquent avoir été victimes de harcèlement dans l’espace public. De plus, leurs lieux de vie sont marqués par des micro-agressions liées à leur sexe : le monde du travail pour les deux régions, puis principalement le cercle familial dans le SOA et les institutions sportives et religieuses en Europe.
Après avoir entendu les expériences et les propositions de ces femmes, il y a néanmoins matière à être optimistes. La parole se libère peu à peu. De nombreuses campagnes en ligne visant à dénoncer les inégalités de genre ont eu lieu ces dernières années en Europe (#BalanceTonPorc, #MeToo) et dans le SOA avec #NotYourHabibti (Pas ta chérie) en Palestine, #EnaZeda (Me too) en Tunisie, #MeshAyb (Pas honteux) au Liban et #Ismaani (Entendez-moi).
Cependant, il faut se préparer à une longue bataille. Caroline De Haas l’a très justement exprimé dans une interview qu’elle a donnée pour la newsletter féministe de Rebecca Amsellem : « Je déjeunais un jour avec Françoise Héritier (ndlr. anthropologue et ethnologue française) lorsqu’elle me répondit « non » quand je lui disais que tout le monde gagnerait à l’égalité, les femmes comme les hommes. Elle me dit qu’une société égalitaire est une société plus conflictuelle dans les rapports humains. À partir du moment où on annule les rapports de force, il y a davantage de discussion, de frottements et donc de conflits. Je ne suis pas sûre que cela va être source de facilité. Je suis même sûre que non. Le fait même de se battre pour l’égalité va amener du conflit dans les rapports humains, dans les rapports au travail et les rapports amoureux. »
Se battre contre des principes religieux et culturels millénaires, fortement imbriqués, se battre contre la structure même de la société profondément patriarcale présente dans ces deux régions, se battre même contre ses frères et compagnons… C’est le prix à payer pour exercer ses droits, éliminer les violences et obtenir une vraie liberté. Cette bataille ne sera pas physique mais sociale, éducative et collective et peut être menée de plusieurs manières : ci-dessous figurent quelques conseils pratiques tirés des suggestions des participantes. Cette enquête montre qu’en unissant leurs forces et leurs ressources, les femmes sont puissantes et préparées à défendre leurs droits. Pour elles et les générations futures.
Ressources YESSS : un podcast de warriors Les couilles sur la table : un podcast sur les masculinités Mansplaining : un podcast sur les hommes, par un homme La newsletter féministe « Les glorieuses » https://projetcrocodiles.tumblr.com/ une explication originale sur le harcèlement sous forme de BD Ahmar Bel Khat El Arid - أحمر بالخط العريض un programme télévisé libanais qui traite des problèmes auxquels les femmes font face au sein des sociétés conservatrices.
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Cet article existe aussi en anglais.
Note : l’image d’illustration a été inspirée par « Yolanda » de Chant Avedissian et par « Meisje met de parel » de Johannes Vermeer.
Note bis : un grand merci à toutes les femmes qui m’ont accordé leur temps et leur confiance – ensemble nous sommes plus fortes !